Les artistes indépendants – Jaromír Nohavica

Hedvika Stoklasov

Je pense qu’il est très difficile de définir la notion d’indépendance, parce que la définition dépendrait des valeurs personnelles de chacun. D’après moi, il est très facile d’être indépendant quand vous êtes soit tout au début de votre carrière soit un artiste pas connu car on est responsable vis à vis de personne. Par contre, dès qu’on est devenu un artiste très connu et bien établi, je pense qu’on peut commencer à ressentir une certaine responsabilité et une pression de la part des autres – les attentes du public, des clients, des autres artistes, des producteurs. Et toutes ces personnes-là – et éventuellement le régime politique – vont, un jour ou l’autre, essayer d’influencer l’artiste. Et pour moi, c’est ce moment-là qui est décisif et qui définira « l’indépendance d’un artiste ». A mon avis, un artiste indépendant est quelqu’un qui sait résister à toutes ces pressions de son entourage (ou de lui même) et continuer à créer ses œuvres comme s’il n’était jamais devenu célèbre.

Voilà donc un artiste tchèque que je trouve bien indépendant. Il s’agit de mon chanteur préféré. Il s’appelle Jaromír Nohavica. Il est né le 7. 6. 1953 et il est un chansonnier de folk très connu et très reconnu en Tchéquie. Il est bibliothécaire par formation, mais c’était la composition qui est bientôt devenue son intérêt principal. D’abord, il ne composait que des paroles – il a collaboré avec les meilleurs chanteurs et chanteuses tchèques de l’époque ou avec des théâtres. Petit à petit il commençait à créer sa propre musique. Il n’a jamais eu de formation musicale, cependant il sait jouer de la guitare, du violon, de la flûte et de l’accordéon, il a appris tout seul. Le premier concert pendant lequel il a présenté ses propres chansons a eu lieu en 1982. Nohavica s’est d’emblée taillé un grand succès auprès du grand public.

Sa première chanson, dont le public est tombé amoureux, était une critique du gouvernement communiste de l’époque. Elle portait sur l’effet destructeur d’un gouvernement incontrôlé. Il faut dire que ce n’était pas entièrement sa propre chanson, en fait c’était un remake d’une chanson de Boris Vian. Elle a d’autant plus suscité un grand mécontentement de la censure communiste et c’est pourquoi Nohavica s’est vu classé parmi les artistes « trop engagés » et on l’a empêché de s’exprimer librement. Mais il n’a pas cessé de produire des chansons. En réalité, les gens propageaient son œuvre clandestinement entre eux, sous forme d’enregistrements amateurs. Par conséquent, en 1987, il s’est paradoxalement placé parmi les dix meilleurs chanteurs tchèques même s’il n’a officiellement sorti aucun album (ni aucune chanson). Son premier album est sorti en 1988 et consistait en enregistrements faits pendant des concerts différents, son premier album studio n’est sorti qu’en 1993. Depuis ce temps-là, il a élargi son champ de travail et aujourd’hui, il compose de la musique de cinéma, des chansons pour enfants et il met en musique ses poèmes préférés. Il a aussi été lauréat de plusieurs prix tchèques, entre autres pour la meilleure musique du film Rok ďábla (L’an de diable).

En ce qui concerne le contenu de ses chansons, il parle un peu de tout. Souvent, il présente le miroir de la société, il critique la scène politique ou traite la thématique historique ou sportive, mais il parle aussi de l’amour, de l’espoir, il s’intéresse aux questions philosophiques portant sur les sentiments humains les plus profonds, sur la croyance, l’immortalité, le sort d’un artiste. Mais il compose également des chansons joyeuses, amusantes, pleines d’esprit et très ludiques car non seulement Nohavica est un artiste très doué, mais il est aussi un maître de la langue tchèque. Il sait profiter des différents registres de la langue et des dialectes, il adore les jeux de mots ou de langage en général ce qui rend ses chansons très intéressantes, captivantes et adorées par le public.